La Cour Administrative d’Appel de Paris annule entièrement le visa du film « la vie d’Adèle », palme d’or à Cannes, par une décision de ce 8 décembre.
Ce film, présentant le parcours amoureux entre la jeune Adèle, lycéenne, et Emma, une artiste peintre, avait obtenu un visa d’interdiction aux moins de 12 ans. Lors de sa sortie, ce visa avait suscité quelques interrogations (http://blog.francetvinfo.fr/actu-cine/2013/10/22/sexe-pourquoi-la-vie-dadele-est-seulement-interdit-aux-moins-de-12-ans.html ) puisque figuraient des scènes de sexe très explicites, aux configurations diverses et s’étirant sur plusieurs minutes. Leur réalisme avait poussé les actrices et réalisateur à préciser que les scènes étaient bien simulées et non pas réelles. Néanmoins, leur tournage avait été éprouvant et les actrices elles-mêmes ont été choquées et gênées par ces scènes au point qu’Adèle Exarchopoulos explique avoir fermé les yeux pour tenter de s’imaginer ailleurs lors de la diffusion du film à Cannes.
Or, l’article L. 211-1 du code du cinéma et de l’image animée prévoit que « La représentation cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa d’exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. / Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine ( … ) ». Ce visa permet notamment d’éviter la diffusion auprès de mineurs de messages à caractères violents ou pornographiques, infraction réprimée par l’article 227-24 du code pénal.
Considérant que les scènes très crues ne pouvaient permettre que ce film soit autorisé à des enfants de 12 ans, une association a saisi la justice afin de faire annuler un tel visa, considérant que l’interdiction devrait être prévue pour les moins de 18 ans.
Après avoir perdu en première instance, la requérante vient d’obtenir gain de cause. La Cour d’Appel a en effet rappelé que « dès lors qu’un film comporte des scènes de sexe présentées de façon réaliste qui sont de nature à heurter la sensibilité du jeune public, les objectifs de protection de l’enfance et de la jeunesse rappelés à l’article L. 211-1 précité du code du cinéma et de l’image animée s’opposent à ce que le ministre chargé de la culture assortisse son visa d’exploitation d’une simple interdiction aux mineurs de 12 ans ». Or, la Cour, en visionnant le film a considéré que ce dernier comportait de telles scènes, ce qui n’est pas étonnant puisque la presse et les actrices elles-mêmes les avaient estimées crues, voire « choquantes » selon leurs propres termes. Les juges ont ainsi indiqué que « le film comporte, durant la première heure et demie, plusieurs scènes de sexe présentées de façon réaliste, en gros plan, dont l’une en particulier, d’une durée de près de sept minutes, dévoile l’intimité des deux actrices; que le choix retenu par le réalisateur du film de présenter ces scènes en plan-séquence, sans artifices, ni accompagnement musical, dans le but de leur conférer une plus forte intensité émotionnelle, exclut toute possibilité pour les spectateurs et, notamment les plus jeunes, de distanciation par rapport à ce qui est donné à voir; que ces scènes de sexe réalistes [sont] ainsi de nature à heurter la sensibilité du jeune public ».
Dès lors, le visa accordé est annulé. En pratique, cela revient à priver de toute exploitation possible ce film qui n’a plus le droit d’être diffusé puisqu’il ne comporte plus de visa. Le Ministre de la Culture devra en reprendre un nouveau d’ici à deux mois. Elle devra tenir compte, pour ce faire, des précisions de l’arrêt, ce qui la conduira en droit à poser une interdiction aux moins de 18 ans. Si tel est le cas le film ne pourra plus passer à la télévision, sauf en chaînes cryptées. Par ailleurs, les DVD actuellement en vente doivent être retirés du marché, puisqu’ils ne disposent plus de visa en vigueur. En outre, par la suite, chaque galette de DVD ou Blu-Ray et chaque emballage devra mentionner l’interdiction qui sera décidée par le ministre. En conséquence, il est possible de demander en justice que les DVD actuels soient retirés de la vente comme de toutes les médiathèques. Il n’est pas certain que cela soit réalisé en pratique mais cette possibilité est juridiquement envisageable.