Le site seloger.com va-t-il devoir changer de nom ?
Qui ne connaît pas ce site ? Toute personne ayant voulu acheter un bien immobilier ou contrainte de déménager s’est un jour ou l’autre connectée sur seloger.com, à la recherche de l’affaire du siècle. Mais voilà qu’un petit malin, que nous appellerons Monsieur B., a décidé d’ouvrir des sites similaires offrant les mêmes services et reprenant « seloger » : www.seloger-pas-cher.com”, “www.selogermoinscher.com”, “www.se-logerimmo.com”.
La société exploitant seloger.com, contrariée, traîne son concurrent devant les tribunaux pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. La réponse du berger à la bergère ne se fait pas attendre : ledit concurrent rétorque que la marque « seloger.com » est nulle. Nulle ?! Cela signifierait que n’importe qui pourrait utiliser la dénomination « seloger.com » pour les services de recherche de biens immobiliers.
Le tribunal a rejeté cette demande de nullité : la marque « seloger.com » est bien valide. Cela ne décourage pas pour autant notre Monsieur B. qui relève appel de la décision.
La Cour d’appel a rendu son arrêt le 14 octobre dernier. Elle considère, dans un premier temps, que le verbe « se loger » pour de l’immobilier est on ne peut plus banal et décrit les produits que la marque désigne. Or, pour qu’une marque soit valide, elle ne doit pas décrire les produits pour lesquels elle est utilisée. Elle doit être « distinctive » et non pas « descriptive ». Or, ici, le terme « seloger » est descriptif : il est utilisé pour des services aidant précisément à « se loger ». La Cour dit ensuite que le « .com » n’a rien non plus d’extraordinaire, il est même utilitaire : on est bien obligé de mettre un .com lorsqu’on édite un site Internet. Cela ne remplit donc pas la condition de « caractère distinctif » de la marque. « Seloger.com » serait donc une marque qui n’est pas valide.
Mais, car il y a un mais, dans un second temps, la Cour prend en compte un autre élément : au moment du dépôt de la marque, le site « seloger.com » était déjà notoirement connu. La preuve en est rapportée par des éléments divers : nombre de connexions au site, classement, etc… marque “SeLoger.com” avait donc déjà acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des produits et services relevant des affaires immobilières. La demande en nullité est ainsi rejetée.
Il faut toutefois noter que Monsieur B avait demandé la nullité d’autres marques appartenant au même déposant, et notamment la marque « se loger ». La Cour annule cette marque, comme étant descriptive pour les services dans le domaine immobilier. Pour les entrepreneurs, notez une chose :
un terme banal et descriptif de vos produits ou services ne peut pas être déposé comme marque. Mais il peut le devenir si vous rencontrez le succès, et que ce terme devient distinctif par l’effet de votre notoriété.
C’est à ce moment qu’il pourra être déposé comme marque. Cela donne à réfléchir : plutôt que de déposer immédiatement une marque dont le nom n’évoque rien, un terme proche de l’activité développée pourrait être choisi. Aucun droit de propriété intellectuelle ne pourra être détenu sur ce signe mais celui-ci pourrait faire venir les clients. Vous ne pourrez pas bénéficier d’une protection de votre nom dans un premier temps. Y a-t-il un véritable risque ? Tant que l’on n’est pas connu et que la réussite n’est pas au rendez-vous, y a-t-il un grand risque de concurrence malveillante ? En tout état de cause, les règles de la concurrence déloyale pourrait toujours trouver à s’appliquer…
http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4330